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Les pollinisateurs : précautions face à certains produits

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L'application de produits phytopharmaceutiques (PPP), qu'ils soient d'origine chimique ou naturelle, peut présenter un risque pour la santé humaine, animale, ou l'environnement. C'est la raison pour laquelle, les risques liés à l'application de ces produits sont fréquemment évalués avant et pendant leur autorisation, par les Autorités européennes et belges, conformément aux exigences du Règlement européen (CE) N° 1107/2009 et de l’Arrêté royal du 28 février 1994. Différents critères sont pris en compte, notamment ceux liés aux résidus sur et dans les denrées alimentaires, au devenir de la molécule dans l’environnement, aux organismes aquatiques, mais aussi aux pollinisateurs.

On le sait, les insectes pollinisateurs sont d’une importance capitale dans la préservation de la biodiversité en assurant, entre autres, la pollinisation d’un grand nombre de plantes cultivées et sauvages. Compte tenu de leur valeur écologique et économique, il est indispensable de veiller à leur protection et au maintien de la bonne santé des populations. Or, l’utilisation de PPP peut représenter une menace pour ces insectes, notamment lorsqu’ils entrent en contact avec des cultures traitées et des plantes avoisinantes (adventices et/ou cultures adjacentes).

Les abeilles sont généralement étudiées et mises en avant pour véhiculer l’alerte sur l’incidence préoccupante des PPP sur les pollinisateurs. Elles peuvent être exposées aux résidus de plusieurs manières, notamment lorsqu’elles récoltent du nectar, du pollen et de l’eau. Les voies d’exposition connues, pendant et après application, sont illustrées ci-dessous :

Article Spe8 - schéma abeilles
Source : Phytoweb (2015), Produits phytopharmaceutiques - Abeilles, consulté le 1 avril 2025

Le Règlement (CE) N° 1107/2009 stipule que l’autorisation d’un PPP au niveau européen n’est possible que si son utilisation ne cause pas d’effet inacceptable sur la santé des abeilles ou n’entraîne qu’une exposition négligeable. En Belgique, des études sur l’impact des PPP sur les abeilles (abeilles mellifères, bourdons et abeilles solitaires) doivent être fournies dans les dossiers d’autorisation des produits. Ces risques sont évalués selon les lignes directrices de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA Bee guidance document). D'autres pollinisateurs, comme les syrphes et les papillons, n'entrent pas dans le champ d'application de ce document d'orientation. Ceux-ci sont classés, avec d'autres insectes, dans le groupe des « arthropodes non-cibles » et sont évalués selon une autre méthodologie (le développement d'un nouveau document d'orientation pour l'évaluation des risques de ce groupe est en cours de rédaction).

Selon ces analyses de risques, certaines mesures de sécurité, mentions de danger et conseils de prudence peuvent être indiqués sur l'étiquette/acte d'autorisation du produit afin de rendre ces risques acceptables. Ainsi, moyennant le respect de ces mesures, le produit peut être appliqué selon des conditions particulières d'usage, tout en limitant au maximum son impact.

Conformément à la Directive européenne 2009/128/CE, la lutte intégrée contre les ennemis des cultures promeut la combinaison des méthodes non chimiques de lutte, avant d’avoir recours aux PPP. A l'échelle agricole, quand cela est possible, le premier levier d'action pour protéger les pollinisateurs sera donc de repousser le plus tard possible l'intervention chimique en suivant les seuils d'intervention spécifiques de vos ravageurs/maladies de cultures (outils d'aide à la décision).

Si vous vous retrouvez dans la nécessité de devoir pulvériser, il est tout de même possible de limiter les risques. De manière générale, optez pour des produits comportant le moins de pictogrammes de danger, ainsi que présentant une nocivité plus faible pour les pollinisateurs.

Liste des PPP contenant une mention spéciale SPe8

Sur les actes d'autorisation et les étiquettes des produits, la mention de protection de l’environnement (SPe “Safety precautions related to the environment”) spécifique aux risques pour les pollinisateurs est la mention SPe8 : "Dangereux pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs". Lorsqu’elle est indiquée, une attention plus particulière doit être apportée à ces insectes lors de son utilisation afin de limiter les voies d’exposition. Si l’emploi de ce type de produits s’avère nécessaire, cette mention impose donc des mesures obligatoires de réduction du risque qui sont spécifiques à chaque produit. Voici quelques exemples de ces mesures de protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs :

  • Ne pas appliquer durant la floraison de la culture ;
  • Ne pas appliquer lorsque des adventices en fleur sont présentes ;
  • Ne pas utiliser en zone de butinage ;
  • Ne pas appliquer au moment où les abeilles sont actives ;
  • Le produit doit être appliqué tôt le matin ou tard le soir ;
  • Retirer ou couvrir les ruches pendant l’application et pendant [durée] après le traitement.

Afin de faciliter l’identification des PPP nécessitant une attention particulière vis-à-vis des insectes pollinisateurs, le CRP met à votre disposition une liste regroupant l’ensemble des PPP portant cette mention "SPe8". Cette liste comprend des produits à usage professionnel et à usage amateur, ainsi que des produits autorisés en agriculture biologique. La liste est disponible en cliquant sur le bouton ci-dessous.

Cette liste et les conditions d'usage des produits peuvent évoluer entre deux dates de mise à jour. Le site web www.phytoweb.be est la source de référence des produits phytopharmaceutiques autorisés en Belgique. Le CRP de l’ASBL Corder ne peut en aucun cas être tenu pour responsable en cas de dégâts, directs ou indirects, pouvant survenir suite à l’application des données fournies dans cette liste, à une attitude inadéquate ou à une négligence.

Quelles mesures supplémentaires puis-je prendre ?

Lorsqu’un traitement s’avère nécessaire (en dernier recours, selon les principes de la lutte intégrée), l’adoption de bonnes pratiques d'utilisation des PPP est essentielle afin de limiter les risques pour l’environnement et de réduire la dérive. Parmi les mesures recommandées :

  • Privilégiez les substances actives non persistantes (DT50 inférieur à 60 jours) et évitez les PPP reconnus comme dangereux pour les insectes (cfr. Mention SPe8). Evitez également les mélanges de produits pour écarter les risques de synergie ;
  • Afin d’optimiser les traitements phytosanitaires, les règles générales de limitation de la dérive s’appliquent : hygrométrie idéale (supérieure à 60%), vent faible (toujours moins de 20 km/h) et utilisation de matériel anti-dérive de 50% au minimum, en évitant les gouttelettes trop fines (pour en savoir plus sur comment adapter son matériel et ses techniques de pulvérisation : cliquez ici) ;
  • Le contact direct avec les résidus de certains produits encore humides peut être particulièrement toxique pour les abeilles. Pour limiter la consommation d’eau contaminée, il convient de limiter la formation de grosses gouttes où les abeilles pourraient s’abreuver. Lors du rinçage et de la vidange du pulvérisateur, qui doit se faire en aire étanche, en zone enherbée ou en champs, aucune flaque de produit ne devrait persister après le nettoyage ;
  • Il est recommandé de traiter tôt le matin ou tard le soir, lorsque les conditions météorologiques sont idéales et en dehors des heures de butinage. À titre d’exemple : en France, les plages horaires autorisées pour les pulvérisations en cultures considérées comme attractives pour les pollinisateurs sont 2 h avant et 3 h après le coucher du soleil. L’idéal est une application tard le soir, permettant aux pollinisateurs de profiter à moindre risques de la rosée du matin (bien que certains soient nocturnes) ;
  • Les abeilles visitent les fleurs des cultures et des adventices situées au sein et en bordure des parcelles. Si un traitement s’avère nécessaire, veillez à éviter les zones de butinage[1] ;
  • La majorité des Hyménoptères auxiliaires (bourdons, abeilles sauvages, guêpes, frelon européen, etc.) établissent une nouvelle colonie (ou une nouvelle génération) chaque année. À la sortie de leur période d’hivernation, les jeunes reines fondatrices effectuent des vols exploratoires afin de prospecter leur futur site de nidification, généralement construit entre début mars et fin avril. Pour préserver le renouveau de la biodiversité, il est judicieux de reporter l’application de PPP (du moins les mentionnés SPe8) au-delà du 1er mai.

[1] Espace agricole ou non agricole occupé par un groupement végétal cultivé ou spontané qui présente un intérêt manifeste pour les abeilles ou d'autres insectes pollinisateurs du fait de la présence de fleurs ou d'exsudats.


Enfin, la stratégie belge pour la protection des pollinisateurs (SPF, 2021-2030) recommande la promotion de pratiques agricoles favorables, notamment en favorisant la diversification des cultures, l’implantation de bandes fleuries et l’intégration de plantes mellifères locales adaptées aux conditions régionales. Elle insiste également sur la nécessité de maintenir et de gérer écologiquement les zones non productives et de préserver les prairies permanentes riches en biodiversité. Ces mesures peuvent être soutenues financièrement via la PAC, notamment à travers les éco-régimes et les MAEC.