Santé
Cette rubrique concerne les agriculteurs, maraichers, arboriculteurs fruitiers, horticulteurs, vignerons, pépiniéristes et entrepreneurs agricoles utilisant des produits phytopharmaceutiques (PPP) dans le cadre de leur activité professionnelle.
Table des matières
Notions de risque et de danger
Toute manipulation et utilisation de PPP engendrent des risques pour la santé de l’utilisateur, du consommateur et de l’environnement.
Risque = danger x exposition x incertitude
Ainsi, le risque peut être réduit en diminuant le danger et/ou l'exposition.
Le danger est lié à la toxicité des PPP. L'étiquette présente sur les bidons informe l'utilisateur du danger intrinsèque au produit par les pictogrammes (toxique, nocif, dangereux pour l'environnement…) et par les phrases de risque.
L'exposition est fonction :
- de la fréquence des traitements
- de la durée des traitements (ou de la durée de manipulation de produits)
- des moyens que l'utilisateur met en œuvre pour se protéger et protéger son environnement durant les traitements.
Imaginons que le risque lié à l'utilisation d'un PPP soit représenté par un lion. Dans la savane africaine, le risque que nous courons est élevé car nous sommes sans défense et exposés à une attaque probable du lion.
Par contre, dans un zoo, le risque est proche de zéro. En effet, le lion est toujours aussi dangereux mais étant enfermé dans sa cage nous ne sommes pas exposés à son attaque, il ne pourra plus nous atteindre.
Pour limiter les risques liés à l'utilisation de PPP, l’utilisateur peut :
- réduire le danger en choisissant un produit moins dangereux (ayant un profil toxicologique et éco-toxicologique plus favorable)
- diminuer l’exposition par le port des équipements de protection et en évitant les pertes diffuses et ponctuelles dans l’environnement.
L'incertitude représente les éventuels manques d’informations ainsi que les hypothèses faites au moment de l’étude et qui pourraient changer si de nouveaux résultats de recherche étaient obtenus. Ce facteur fait alors varier le risque entre une valeur minimale et maximale.
Plus on accumule de connaissances sur un sujet, plus l'incertitude diminuera. Par conséquent, le risque sera faible.
Si des lacunes scientifiques ou techniques existent dans un domaine donné, il se peut que l'incertitude augmente. Dans ce cas, les risques seront plus importants.
Protection de l’utilisateur de PPP
Lors de la manipulation des PPP (préparation de la bouillie, traitement et nettoyage du matériel...), certaines pratiques peuvent exposer l’applicateur à des risques importants pour sa santé. Cette manipulation nécessite une protection de l’applicateur adaptée au produit et au mode de traitement. La lecture de l’étiquette présente sur l’emballage et de la fiche de sécurité permettra de déterminer les mesures de protection à prendre lors de l’utilisation du produit.
Telles que présentées dans le schéma ci-dessous, les voies d’entrées probables des PPP dans le corps sont multiples. Il convient dès lors de porter les équipements de protection individuelle (EPI) nécessaires (gants, masque…) afin de s’en protéger.
- Le port de gants permet de réduire de 90% le risque de contamination des mains par les PPP. Ces derniers doivent être imperméables aux produits chimiques. Le symbole «NF EN 374-1» permet de s’en assurer. Ces gants seront en nitrile ou néoprène et suffisamment longs pour protéger les avant-bras et éviter que les poignets soient contaminés.
Les gants en cuir, en latex ou en PVC ne protègent pas des PPP.
- Le port d’un masque est nécessaire tant durant la préparation de la bouillie que durant l’application (s’il n’y a pas de cabine équipée de filtres à charbon actif sur le tracteur). Il évitera la pénétration des gouttelettes et poussières de PPP via les voies respiratoires. Le type de masque « A2B2P3 » assure une protection efficace. On considère qu’un demi-masque suffit s’il est muni de filtres pour le gaz et la poussière et est accompagné de lunettes. Le remplacement du filtre doit être régulier.
- Certains produits sont corrosifs ou irritants. Le port de lunettes permet de protéger l’applicateur des éclaboussures, de tels produits pouvant entraîner des dégâts oculaires.
- Le port d’une combinaison est essentiel, mais parfois peu confortable. Pour une protection optimale, l’opérateur choisira une combinaison marquée «CE» et comportant les pictogrammes de protection adaptés (ci-dessous, le pictogramme indiquant la résistance aux produits chimiques). Les salopettes en textile n’offrent qu’une protection limitée.
- Le port de bottes est conseillé mais en été, le confort poussera souvent à l’utilisation de bottines. Il faudra veiller à ce que ces bottines ne soient utilisées que lors du travail de pulvérisation. La combinaison sera portée au-dessus des bottes et pas dans les bottes afin d’éviter la pénétration de liquide dans celles-ci.
En cas d'ingestion d'un PPP ou si vous suspectez une intoxication liée à un PPP, contactez le Centre antipoisons au 070/245 245.
Protection des groupes vulnérables
Depuis le 28 septembre 2018, l'application de PPP est interdite dans les limites foncières des écoles et des crèches, ainsi que, pendant les heures de fréquentation, à moins de 50 mètres en dehors de la limite foncière de ces lieux.
Plus particulièrement, les établissements concernés sont les espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires et des internats et espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l’enceinte des crèches et des infrastructures d’accueil de l’enfance.
Protection du public
La manipulation et l’application de PPP doivent se faire dans le respect des bonnes conditions d’utilisation du produit et des bonnes pratiques phytosanitaires. Cela permet non seulement d’assurer l'efficacité du traitement et d’éviter les problèmes de phytotoxicité mais aussi de limiter notamment les risques pour l’applicateur, les riverains et le public.
De manière générale, toutes les mesures doivent être prises pour limiter la dérive et l’entrainement des brumes de pulvérisation en dehors de la zone à traiter (matériel anti-dérive, vitesse du vent faible, heures de pulvérisation…).
Outre ces mesures, lorsque la zone à traiter jouxte une habitation, l’application d’une zone non traitée de 1 mètre pour les pulvérisations dirigées vers le sol et de 3 mètres pour les pulvérisations sur des cultures verticales (houblon, arbres fruitiers…) est vivement conseillée.
En 2019, plusieurs acteurs œuvrant dans le domaine agricole dont notamment les syndicats agricoles, le Service Public de Wallonie, les organismes d’encadrement, le Centre wallon de Recherches agronomiques, le Collège des Producteurs et le CRP, ont rédigé un « Référentiel du Vivre ensemble ». Ce document expose 17 actions (obligatoires ou volontaires) à (ré)instaurer pour améliorer la relation entre agriculteurs et les riverains de parcelles agricoles, principalement autour de l’utilisation des PPP en Wallonie.
Le Référentiel du vivre ensemble est téléchargeable via notre boite à outils.
Délai de rentrée sur la zone traitée
Là où il est encore autorisé de pulvériser, après tout traitement de PPP sur une culture, un arbre, une pelouse ou tout autre végétal, il convient d’attendre que les dépôts de bouillie soient secs avant de pouvoir circuler à nouveau dans ou à proximité de la zone traitée.
Ce délai d’attente s’appelle le « délai de rentrée », aussi appelé « délai de sécurité après traitement », et désigne la période de temps minimale qui doit s’écouler entre la fin de l’application d’un PPP sur une zone/parcelle et le moment où des personnes peuvent à nouveau avoir accès à cet endroit sans devoir porter d’équipement de protection .
L’objectif est de protéger la santé de l’opérateur/du personnel et de toute autre personne, aux produits ayant été pulvérisés, qu’ils soient d’origine naturelle ou chimique. Ces précautions sont d’autant plus importantes pour des produits appliqués dans des espaces clos (serres, locaux de stockage de denrées...).
Pour certains PPP, un délai spécifique de rentrée est mentionné dans l’acte d’autorisation et sur l’étiquette du produit. Il est obligatoire de le respecter.
Si cette information n’apparait pas sur l’acte ou sur l’étiquette, il est conseillé de respecter les délais suivants :
Résidus dans/sur l’alimentation
L’utilisation de PPP en agriculture et horticulture comestible peut entraîner la présence de résidus de substances actives sur ou dans les denrées qui entreront dans la chaine alimentaire, c’est-à-dire les denrées destinées à la consommation humaine et/ou animale. Pour protéger notre santé et celle des animaux, il est donc important de veiller à ce que ces résidus ne dépassent pas un certain seuil.
Normes européennes : limites maximales en résidus
Pour les substances actives, phytoprotecteurs et synergistes autorisés en Europe, des « LMR » sont fixées par la législation européenne pour les produits de récolte (comme la betterave, la carotte ou même les épices) et produits d’origine animale (comme le lait ou le foie de mouton) « sur base des bonnes pratiques agricoles et de l’exposition la plus faible possible permettant de protéger tous les consommateurs vulnérables ».
Les quantités totales de résidus de substances actives sur et dans les aliments ne peuvent donc pas dépasser ces limites maximales.
C’est l’EFSA qui est chargée d’établir les LMR pour chaque substance et chaque produit.
En tenant compte des connaissances scientifiques et techniques, des utilisations agricoles ou non de la substance, ainsi que des résultats des analyses de risques :
- L’utilisation de certaines substances ne présente pas de risque particulier pour les consommateurs. De ce fait, la fixation d’une LMR n’est pas jugée nécessaire pour certaines substances comme le soufre, l’acide pélargonique, les micro-organismes… (annexe IV du Règlement (CE) N°396/2005).
- L’utilisation de certaines substances peut fortement restreindre les conditions d’usage des produits, en raison de LMR fixées à la limite de détection des appareils, c’est-à-dire à une LMR la plus faible possible (LMR=LOD= 0,01 mg/kg) (annexe V du Règlement (CE) N°396/2005).
- L’utilisation de substances présentes dans des produits commerciaux est possible pour autant que la LMR (supérieure à 0,01 mg/kg) soit respectée (annexe I du Règlement (CE) N°396/2005).
Tout comme pour l’approbation d’une substance active, ces LMR peuvent être ré-évaluées et donc modifiées. En agriculture biologique, le respect des LMR est également d’application.
En agriculture biologique, le respect des LMR est également d’application.
En Belgique, comme le précise le SPF, ces LMR sont des valeurs limites en-dessous desquelles les teneurs en résidus doivent se situer lorsque les PPP qui contiennent les substances considérées ont été utilisés selon les conditions d’utilisation mentionnées dans leur acte d’autorisation. Ces conditions sont définies par la firme et validées (ou non) par les experts du Comité d’agréation et le SPF.
Outre le fait de permettre une efficacité optimale du produit, le respect du nombre d’applications, des dosages et de la période d’application sont des paramètres essentiels pour respecter les LMR. Le délai avant récolte est également un autre critère majeur à respecter.
Toutes les LMR sont consultables en ligne par substance et par produit de récolte/d’origine animale, en cliquant ici.
Contrôles des résidus de substances actives en Belgique
En Belgique, l’organisation compétente en matière de contrôle des résidus issus de l’utilisation de PPP dans les produits entrant dans la chaine alimentaire, est l’AFSCA. Elle collecte des échantillons de denrées alimentaires vendues en Belgique et procède à des analyses afin de vérifier le respect des LMR.
Deux cas de figure peuvent alors se présenter : soit les LMR sont respectées, soit les LMR sont dépassées.
En cas de dépassement, l’AFSCA précise qu’une évaluation du risque pour le consommateur est effectuée sur base d’une approche européenne et que la quantité estimée de résidus potentiellement ingérée par un consommateur est comparée aux normes toxicologiques. Si l’analyse établit qu’il y a un risque potentiel pour le consommateur, l’AFSCA prend des mesures pour éviter que les denrées concernées ne soient consommées. À l’aide des registres tenus par les producteurs de denrées alimentaires, l'AFSCA peut remonter jusqu'à la source de la contamination. Grâce à cette traçabilité, les lots de produits alimentaires problématiques sont alors retirés de la vente (retrait), un communiqué de presse est publié et le cas échéant, les produits alimentaires concernés qui ont été vendus sont rappelés auprès des consommateurs (rappel).
Les résultats des contrôles annuels des résidus menés par l’AFSCA en Belgique sont disponibles gratuitement en ligne. Plus de 98% des échantillons testés sont totalement conformes à la législation en vigueur.
Cas particulier des cultures maraichères sous protection
Plusieurs cultures maraichères cultivées sous protection (sous serres, plastiques ou autres matériaux) sont plus sujettes à un dépassement des teneurs maximales légales de résidus de PPP et/ou de nitrates. Depuis 1998, certaines de ces cultures sous protection sont donc soumises à un contrôle pré-récolte obligatoire afin de vérifier si les produits récoltés respectent bien la législation.
Les cultures concernées par le contrôle pré-récolte sont :
Cultures |
Système de production |
Analyses |
|
Résidus de PPP |
Nitrates |
||
Laitue, laitue iceberg, laitue romaine, Lollo rossa, Lollo bionda, feuilles de chêne et leurs combinaisons |
Conventionnel |
Oui |
Oui |
Biologique |
Non |
Oui |
|
Scaroles, chicorées frisées, radicchio, mâche et céleris |
Conventionnel |
Oui |
Non |
Il est à noter que ce contrôle pré-récolte ne concerne pas l’approvisionnement direct ou le commerce de détail local fournissant directement le consommateur final.
Mélanges de résidus
En avril 2020, l’EFSA publiait les rapports de deux études sur les risques liés aux mélanges de résidus de substances actives dans l'alimentation, et leurs éventuels impacts sur le système thyroïdien et nerveux de l’homme. Sur base des résultats obtenus, l’EFSA en a conclu que « le risque pour le consommateur d’être exposé à des résidus cumulés dans l'alimentation est globalement inférieur au seuil qui requiert une action réglementaire ».
Depuis, il est prévu que l’EFSA continue tout de même à évaluer les effets des produits phytopharmaceutiques sur d’autres organes et d’autres fonctions du corps. Elle est en train de définir avec la Commission européenne un plan de mise en œuvre complet de ces travaux.
Intoxication
Comme expliqué ci-dessus, la manipulation et l’application des PPP doivent être réalisées avec un ou des EPI, comme spécifié sur l’étiquette du produit et ce pour éviter à l’utilisateur d’y être exposé par inhalation, contact ou ingestion.
En tant qu’utilisateur de produit (à usage professionnel ou amateur), lavez-vous toujours les mains à l’eau et au savon après manipulation.
Quelques bonnes pratiques supplémentaires permettent d’éviter les accidents avec d’autres personnes :
- Lire l’étiquette et les précautions d’emploi
- Bien refermer les bidons, sprays et autres emballages après utilisation
- S’assurer que les produits soient hors de portée de tierces personnes ou des enfants (local phyto toujours fermé à clé, armoire en hauteur...)
Afin de connaître les mesures spécifiques à prendre en cas d’intoxication à un PPP par inhalation, ingestion, contact cutané/oculaire, il est recommandé d’immédiatement consulter l’étiquette du produit ou la fiche de données de sécurité pour prendre connaissance des premiers secours.
Exemple :
- En cas de symptômes tels que maux de tête, vertiges, nausées, contactez un médecin.
- En cas d’ingestion d’un PPP, contactez le Centre antipoisons qui est disponible gratuitement 24h/24 et 7j/7 au 070/245.245, ou le 02/264 96 30.
- En cas d’urgence vitale, composez le numéro européen 112.
Base légale
Directive 2009/128/CE : Utilisation des PPP compatible avec le développement durable (protection du public et groupes vulnérables…)
AR du 19/03/2013 : Utilisation des PPP compatible avec le développement durable (protection utilisateur…)
AGW du 11/07/2013 : Application des PPP compatible avec le développement durable (protection du public et groupes vulnérables, charte…)
Règlement (CE) N°396/2005 : LMR applicables aux résidus de PPP présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale
AR du 13/07/2014 : Hygiène des denrées alimentaires
AM du 22/12/2005 : Modalités pour le contrôle pré-récolte (nitrates et PPP) dans/sur certaines espèces maraichères/fruitières